- ZONES FRANCHES
- ZONES FRANCHESUne zone franche est un périmètre géographiquement délimité à l’intérieur duquel certaines réglementations du pays qui l’accueille sont réduites, voire, dans certains cas, totalement éliminées.La caractéristique première de toute zone franche est d’offrir une fiscalité atténuée. En outre, les conditions légales et réglementaires y sont fréquemment assouplies; les délais habituels pour obtenir les différents agréments administratifs y sont normalement réduits au strict minimum. Enfin, notamment dans les zones situées dans les pays en développement, elles octroient un régime douanier privilégié aux entreprises qui y opèrent: matières premières, produits semi-finis et produits finis y entrent et en sortent sans aucun contrôle et, surtout, sans payer de droits de douane.Ce concept puise ses racines au fin fond de l’histoire économique du monde occidental. La première zone recensée vit en effet le jour en Méditerranée orientale près de deux siècles avant le début de notre ère.À l’origine concentré essentiellement sur les activités commerciales, le champ d’action des zones franches s’est, à partir de la fin du XIXe siècle, étendu à plusieurs autres formes d’activité. Ces zones recouvrent aujourd’hui une pluralité de physionomies. On distingue quatre grandes catégories de périmètres francs: les zones franches commerciales, les zones franches bancaires, les zones franches industrielles d’exportation et les zones d’entreprises. Les deux dernières appellations sont le plus souvent regroupées sous le qualificatif général de zone franche industrielle.Les objectifs que s’assignent les États qui créent des zones franches sont multiples. Toutefois, une préoccupation commune se dégage: accroître la richesse globale de la collectivité d’accueil, notamment par l’émergence d’un dynamisme commercial et/ou industriel, nouveau ou retrouvé.1. Les zones franches commercialesLes plus anciennes zones franches remontent à l’Antiquité lorsque les Phéniciens, puis les Grecs et les Romains établirent sur les pourtours de la Méditerranée des entrepôts francs de tous droits et taxes. Le premier périmètre franc recensé est celui de Délos, en mer Égée. Les autorités vont y exempter, à partir de 166 avant J.-C. et pendant près d’un siècle, le commerce des taxes, impôts et droits de douane. De par sa situation géographique privilégiée, au carrefour des routes maritimes de la Méditerranée orientale, Délos va devenir un très important centre de commerce et d’échange par où transiteront l’ivoire, les étoffes, le vin, le blé et les épices.Mais c’est surtout à partir du Moyen Âge que l’on va voir fleurir les zones franches. À cette époque, elles sont exclusivement axées sur le commerce et l’entreposage des produits. Elles revêtent trois formes distinctes.Le principe d’extraterritorialité commerciale et fiscale peut être appliqué à des villes qu’on appellera alors villes franches. Le plus souvent, il est limité à une partie de celles-ci, et notamment à leurs ports, d’où le terme de «port franc». Le statut de franchise autorise les marchandises à pénétrer dans les aires ainsi définies à un moindre coût. Des régimes douaniers particuliers sont appliqués: les produits entrent et sortent sans faire l’objet de contrôles et sans être assujettis à des droits de douane. Ceux-ci deviendraient toutefois exigibles dans le cas où les produits seraient introduits sur le territoire douanier du pays d’accueil.Une autre institution procède du même principe: la foire ou marché franc. Alors que les villes franches et les ports francs bénéficient d’un régime de franchise durable, les foires et marchés francs représentent un type d’organisation où la durée de la franchise est limitée dans le temps, allant de quelques jours à plusieurs semaines.Tout au long de son histoire, la France, axe central entre l’Europe du Nord et le bassin méditerranéen occidental, a fait l’expérience de nombreuses zones franches commerciales.La première grande foire franche remonte au VIIe siècle, lorsque le roi Dagobert institua la foire dite du lendit, à Saint-Denis. Ce type de périmètre eut son heure de gloire principalement du XIIe au XIVe siècle. Les foires franches les plus réputées à cette époque étaient celles de Lyon, de Brie, de Beaucaire et de Champagne.Sous sa forme classique de ville franche ou de port franc, l’histoire est plus ancienne encore. Ainsi, dès le début de l’ère chrétienne, Marseille, alors république indépendante, dispose d’un port franc qui attire navires et produits de toutes les villes bordant la Méditerranée. Ce n’est qu’à partir de 1481, lorsque la Couronne de France s’empare de la ville, que le statut du port sera remis en cause. Encore celui-ci ne sera-t-il aboli définitivement qu’en 1817, confirmant ainsi la volonté proclamée durant la Révolution d’en terminer avec les statuts privilégiés. De nombreuses autres villes françaises seront elles aussi, partiellement ou dans leur totalité, érigées en zone franche commerciale. Les principales et les plus connues furent Dunkerque, Bayonne, Bordeaux, Lorient, Rouen, Saint-Malo, La Rochelle et Honfleur.La France ne sera pas le seul pays à expérimenter la zone franche commerciale. De nombreuses autres régions d’Europe ont une forte tradition historique en ce domaine. En Allemagne, par exemple, avant la réalisation de son unité, maintes villes libres et indépendantes sont franches de toutes taxes et réglementations. Ainsi Hambourg bénéficiera-t-elle durant plusieurs siècles d’une entière franchise. Grâce à la liberté illimitée qui lui est accordée, son port réalisa un commerce prospère avec toutes les économies voisines. Son statut de franchise totale remonte à 1189, lorsque l’empereur Frédéric Ier, Barberousse, exempta d’impôt le commerce de la ville. Il en sera ainsi jusqu’en 1888 quand, sous la pression de Bismarck, la ville accepta d’entrer dans l’union douanière allemande – Zollverein – et renonça à son privilège.L’Europe, à travers ses villes du Nord (Lübeck, Brême, Copenhague) mais aussi d’Italie (Gênes, Livourne, Venise...) et d’Autriche-Hongrie (Trieste, Fiume), a pleinement connu tout au long de son histoire ce type d’organisation.Alors que ces périmètres vont progressivement disparaître d’Europe à partir du XIXe siècle, en raison notamment d’une forte tendance centralisatrice et d’une volonté nouvelle des États d’intervenir dans la sphère économique, les puissances coloniales implantent alors des zones franches le long des routes commerciales internationales. La Russie en créera plusieurs, dont Batoum en Caucasie en 1878, Vladivostok en 1868 et Dalny en 1899, situées en Sibérie orientale. L’Allemagne, elle, en installera une en 1898 à Jiaozhou en Chine. L’Angleterre va en implanter à tous les nœuds maritimes stratégiques: Gibraltar et Malte en Méditerranée, Zanzibar et East London en Afrique orientale et australe et enfin Hong Kong et Singapour en Extrême-Orient. La France établira un port franc en Chine, à Guangzhou, et, à partir de 1895, organisera des marchés francs dans le Sud algérien.Les zones franches commerciales ont aujourd’hui quasiment disparu du continent européen, à l’exception de quelques périmètres: zone franche de Haute-Savoie et du pays de Gex en France, port franc de Copenhague, etc., qui d’ailleurs n’ont plus qu’un impact économique infime sur leur environnement.En revanche, on en trouve aujourd’hui plus de cent vingt aux États-Unis. Elles y ont pris le nom de foreign trade zones ou zones de commerce avec l’étranger: alors qu’elles ont été créées à partir de 1934, leur nombre s’est surtout accru dans les années soixante et soixante-dix. Ces périmètres francs ont avant tout pour objet de retenir aux États-Unis des activités qui autrement, pour des raisons de coûts, se seraient tournées vers l’étranger.Les boutiques hors douane, que l’on connaît plus communément sous le nom de duty free shops , sont une extension moderne du concept de zone franche commerciale. Ces mini-zones franches proposent aux visiteurs étrangers certains produits hors taxes. Il s’agit essentiellement de produits supportant d’ordinaire une lourde fiscalité (photo, hi-fi, alcools, etc.). Ces périmètres peuvent avoir un impact économique important pour des pays de petite taille, largement dépendants du tourisme.2. Les zones franches industriellesÀ partir de la fin des années cinquante apparaît un nouveau type de zone franche, orientée cette fois-ci vers les activités industrielles et non plus commerciales. Les zones franches industrielles vont revêtir deux formes, selon qu’elles seront situées dans des pays industrialisés ou dans des pays en développement. Dans ces derniers, dès la première moitié des années soixante, elles prendront le nom de zones franches industrielles d’exportation. Dans les pays industrialisés, on parlera de zones d’entreprises.L’essence de ces deux catégories de périmètres francs est commune. Elles tendent toutes deux à la suppression ou à l’atténuation des règles entravant l’activité économique, que celles-ci s’inscrivent dans une perspective nationale ou internationale. Par une modulation des taxes, droits et règlements, les zones franches industrielles encouragent l’instauration d’un environnement favorable où l’activité économique et les entreprises sont, au moins partiellement, dégagées des contraintes inhérentes aux politiques économiques nationales.Les zones franches industrielles d’exportation prennent la physionomie d’«enclaves» douanières à l’intérieur desquelles toute une série de mesures, destinées à inciter les investisseurs étrangers à s’y établir, sont introduites. Dans les sites retenus et érigés en zones d’entreprises, les aspects les plus contraignants des différentes réglementations, notamment fiscales, supposés entraver l’éclosion d’un climat propice aux affaires et à l’initiative privée sont atténués.Les zones franches industrielles d’exportationLes stratégies d’industrialisation fondées sur la substitution d’une production locale, hautement protégée, aux importations de produits étrangers n’ayant pas, pour l’essentiel, atteint les objectifs qui leur avaient été assignés, plusieurs pays d’Asie définirent, au début des années soixante, une nouvelle stratégie d’industrialisation fondée, cette fois-ci, sur l’attraction des investissements étrangers. Dans un grand nombre de cas, la mise en œuvre de cette politique est passée par l’installation, sur un périmètre donné du territoire national, d’une zone franche industrielle d’exportation.Ces zones franches offrent un certain nombre d’avantages. En plus des exonérations de droits de douane pour les biens et produits importés et incorporés dans le processus de production puis réexportés, les zones franches industrielles d’exportation proposent aux sociétés engagées dans l’importation et/ou l’exportation de marchandises toute une palette de mesures fiscales avantageuses, et ce pour une durée s’étalant, suivant les zones, de cinq à quinze années. Parmi les avantages de ce statut, on recense notamment une entière liberté de rapatrier les bénéfices, une suppression des impôts sur le revenu et le capital. À la différence des zones franches commerciales où on retrouve, partiellement ou en totalité, ces avantages, les zones franches industrielles d’exportation les instaurent au profit exclusif des opérations industrielles. Au surplus, leur objectif premier est d’encourager l’activité exportatrice des entreprises qui y sont établies.De tels périmètres présentent pour les pays en voie de développement un certain nombre d’intérêts. Ils constituent le vecteur essentiel du passage d’une politique de développement autocentrée à une politique accordant une plus grande attention aux relations économiques avec le reste du monde, sans que pour autant l’économie nationale ne subisse de choc brutal. Par le truchement de zones franches industrielles d’exportation, il sera possible, à ceux de ces pays qui désirent ne pas exposer l’ensemble de leur économie aux impératifs de la concurrence mondiale, d’attirer néanmoins les investissements directs étrangers. Pour les pays en développement aux structures traditionnelles et faiblement dotés en capital, l’installation d’une zone franche industrielle d’exportation est une option attrayante, facile à concrétiser et n’impliquant pas de modifications structurelles radicales. En fonction de ses caractéristiques intrinsèques et de la réceptivité des grandes entreprises internationales, cette zone franche industrielle pourra être à l’origine, théoriquement – en outre de la transmission d’un savoir-faire technique –, de tout un flux de pouvoir d’achat, à l’économie nationale, résultat de la rémunération de la main-d’œuvre employée et des liens de sous-traitance créés avec le reste du pays.Les investissements étrangers réalisés dans les périmètres industriels francs sont supposés avoir des effets positifs sur le pays d’accueil. On en identifie généralement quatre principaux:– Les entreprises étrangères, pour produire, vont devoir recruter de la main-d’œuvre locale. Ce qui ne peut que satisfaire des pays dont la structure de production repose quasi exclusivement sur la main-d’œuvre. Outre l’emploi immédiat consécutif à la production réalisée dans la zone franche, on observe la création croissante de postes de travail à la périphérie de la zone, en raison des relations de sous-traitance qui s’instaurent puis se développent entre les entreprises étrangères de la zone d’une part, et les entreprises locales, d’autre part.– Toutes ces nouvelles activités vont être à l’origine d’un flux de devises dans le pays. Par la vente, sur des marchés tiers, de produits réalisés dans la zone franche, mais aussi à travers les salaires versés à la main-d’œuvre locale et le paiement des services offerts par les entreprises du pays d’accueil aux firmes exportatrices de la zone.– Ces dernières vont servir de modèle aux entreprises nationales qui opèrent encore à l’abri d’une législation destinée à les protéger de la concurrence internationale.– Enfin, la présence sur le territoire national de sociétés étrangères est généralement à l’origine de la diffusion de tout un savoir technique au reste de l’économie. Ce savoir pourra aussi bien concerner les techniques modernes de gestion, certaines technologies applicables aux industries fortes utilisatrices de main-d’œuvre que l’organisation rationnelle du travail ou les techniques du marketing.La première zone franche industrielle à avoir été créée dans un pays en développement l’a été en 1965, à Kandla, en Inde. Depuis cette date, leur nombre n’a cessé d’augmenter. Ainsi recensait-on, en 1986, plus de cent vingt zones franches industrielles d’exportation, implantées dans plus de quarante pays. Elles se répartissaient géographiquement de la façon qui suit.– En Amérique du Sud et en Amérique centrale: Bahamas (1), Barbades (10), Brésil (1), Costa Rica (2), Chili (1), Colombie (3), République Dominicaine (4), El Salvador (2), Guatemala (1), Haïti (1), Honduras (1), Jamaïque (1), Mexique (17), Nicaragua (1), Panamá (1); et une zone dans chacune des petites îles des Caraïbes suivantes: Antigua, Dominique, Saint Kitts, Sainte-Lucie et Saint-Vincent;– en Asie: Bangladesh (1), Chine populaire (4), Corée du Sud (2), Hong Kong (2), Inde (2), Indonésie (1), Malaisie (12), Philippines (4), Singapour (1), Sri Lanka (1), Taiwan (3), Thaïlande (1);– au Moyen-Orient: Jordanie (1) et Syrie (6).L’impact des zones franches industrielles sur les économies en développement est appréciable. Ces périmètres à statut particulier auraient engendré plus d’un million de postes de travail, soit près de 3 p. 100 de la population du Tiers Monde affectée à la production industrielle. Les résultats les plus appréciables sont enregistrés dans les pays de l’Extrême-Orient, notamment la Chine populaire, la Corée du Sud, Taiwan et Singapour, avec environ 700 000 emplois créés. L’Amérique latine et l’Afrique/Moyen-Orient n’en représentent pour leur part que respectivement 250 000 et 50 000, dont près de 120 000 pour le seul Mexique.Si l’on tient compte des effets d’entraînements induits indirectement par ces zones sur les économies d’accueil, à travers les relations de sous-traitance établies, on évalue à deux millions le nombre d’emplois engendrés par les zones franches industrielles d’exportation.En termes de recettes en devises, certains pays tirent un parti avantageux de la présence de zones franches sur leur territoire. Ainsi au Mexique, en Malaisie, à la Barbade et à l’île Maurice, plus de 40 p. 100 des exportations de biens manufacturés proviennent des zones franches. À l’opposé, dans des pays comme Panamá ou la Colombie, ces dernières n’en totalisent que moins de 1 p. 100.Les zones franches industrielles continuent d’exercer une attirance réelle sur des pays en développement puisqu’on projette d’en créer dans des pays aussi différents que le Kenya, la Turquie ou le Pakistan... On devrait, dans les prochaines années, voir s’accroître le nombre de ces périmètres, en raison principalement de la dépendance des processus d’industrialisation de ces pays vis-à-vis des capitaux étrangers.On observe l’apparition de mutations technologiques qui, à moyen mais surtout à long terme, devraient limiter les phénomènes de délocalisation et donc les flux d’investissements dans les zones franches, exacerbant ainsi une concurrence latente entre ces dernières. La motivation essentielle des firmes se délocalisant réside dans la recherche d’une compression des coûts salariaux. Or, l’introduction d’innovations et de nouvelles technologies, conjuguée à une rationalisation poussée de l’utilisation de la force de travail, permet à certaines entreprises de neutraliser leur handicap en termes de coûts salariaux. Cette évolution générale concerne notamment les principales branches d’activité que l’on retrouve dans les zones franches industrielles d’exportation: l’électronique et le textile. Dans ces deux types d’industries, utilisatrices de main-d’œuvre peu ou pas qualifiée, l’introduction de procédés de production technologiquement avancés et l’automatisation accrue des opérations d’assemblage limitent les besoins en main-d’œuvre et, de fait, atténuent l’intérêt d’une délocalisation dans un pays à bas salaires. À long terme, si une telle évolution se confirme, on assistera vraisemblablement à un retour progressif des grandes entreprises vers leurs pays d’origine.Au total, le développement du nombre de zones franches auquel on peut s’attendre, développement lié à la raréfaction des flux de capitaux potentiellement captables par les pays en développement, pourrait renforcer la compétition entre les zones franches et, de ce fait, atténuer la rentabilité attendue de ces périmètres.Les zones d’entreprisesLe concept de zones d’entreprises est le développement le plus récent de l’idée de zone franche. Certains économistes en ont fait la promotion dès le milieu des années soixante-dix, notamment Peter Hall en Angleterre et Stuart Butler aux États-Unis, mais il faudra toutefois attendre le début des années quatre-vingt pour voir la création du premier périmètre de ce type. L’apparition, dans plusieurs pays industrialisés, de cette nouvelle forme de zone franche industrielle va être une réplique aux difficultés économiques accrues rencontrées par ces pays vers la fin des années soixante-dix. L’installation de zones à statut particulier dans les régions les plus atteintes par le chômage et la récession devrait permettre, selon les promoteurs de l’idée, d’inverser la tendance et de favoriser le développement d’un nouveau dynamisme.Une zone d’entreprises est un périmètre bien délimité géographiquement, dans lequel est accordé aux entreprises qui s’y installent le bénéfice d’un statut dérogatoire sur le plan fiscal pour une durée équivalente, en règle générale, à une dizaine d’années. Contrairement à la zone franche industrielle d’exportation, la zone d’entreprises accorde une modulation de la fiscalité à toutes les activités qui participent à la création d’un climat d’affaires dynamique, et donc à l’ensemble des activités de production destinées au marché intérieur.La mise en place de périmètres à fiscalité réduite, mais aussi où les réglementations diverses sont fortement atténuées, vise à stimuler l’initiative individuelle et l’investissement privé créateur d’emplois par l’émergence d’un environnement libéré des pesanteurs habituelles qui entravent l’épanouissement des entreprises.Les pays anglo-saxonsLa Grande-Bretagne sera la première à expérimenter ces zones franches industrielles. Onze zones d’entreprises, réparties sur l’ensemble du territoire, ont été installées en 1981: Salford-Trafford, Swansea, Vakefield, Clydebank, Dudley, Hartlepool, Corby, Tyneside, Speke, Isle of Dogs, Belfast. Quatorze autres furent créées entre 1983 et 1984: Delyn, Vellingborough, Rotherham, Middlesborough, North East Lancashire, North West Kent, Sunthorpe, Telford, Workington, Invergordon, Tayside, Flint, Milford Haven, Londonderry. Toutes ces zones proposent un ensemble de mesures destinées à encourager la création et l’activité des entreprises. Parmi les avantages octroyés, on remarque notamment de nombreuses exonérations d’impôts et de taxes diverses, certaines modifications dans la définition du revenu imposable (on peut ainsi, par exemple, déduire du bénéfice imposable la totalité des investissements immobiliers réalisés), ainsi qu’un allègement des diverses formalités à remplir dans le cadre de la vie normale d’une entreprise.Les États-Unis sont le pays où l’idée de zone d’entreprises a connu ses plus grands développements. En l’absence d’un accord à la Chambre des représentants sur l’opportunité de créer aux États-Unis de tels périmètres, et donc d’adopter une législation fédérale en ce domaine, l’initiative est revenue aux districts et aux différents États fédérés qui se sont substitués à l’autorité fédérale et ont instauré un nombre élevé de zones d’entreprises. Commencé dès 1982, le mouvement de création de tels périmètres a pris une ampleur telle qu’à la fin de 1986 vingt-sept États avaient défini une législation appropriée, autorisant la mise en place de 1 400 périmètres industriels francs. Les mesures d’incitation sont variées et diffèrent bien souvent d’un État à l’autre. On en recense cependant cinq grandes catégories, communes, pour l’essentiel, aux vingt-sept États considérés: déduction de l’impôt foncier, exonération de l’impôt sur les ventes, aides financières pour l’installation des entreprises, crédit d’impôt pour l’embauche de personnel répondant à des critères particuliers (jeunes, chômeurs de longue durée, membres de minorités...), allègement des formalités administratives à satisfaire.Les zones d’entreprises françaisesEn octobre 1986 fut promulguée en France une ordonnance autorisant la création de zones d’entreprises dans les trois bassins d’emplois de Dunkerque, d’Aubagne-La Ciotat et de Toulon-La Seyne, touchés de plein fouet par les difficultés des chantiers navals et la faillite de la société Normed. S’inspirant des modèles anglais et américain, il s’agit pour les pouvoirs publics d’offrir des avantages fiscaux et, dans une moindre mesure, un allégement de la réglementation afin d’inciter à une reconversion rapide de ces pôles industriels par le truchement de l’installation de nouvelles entreprises qui donneront un regain d’activité à la région et absorberont tout ou partie de la main-d’œuvre locale inemployée.Les trois zones d’entreprises françaises accordent essentiellement aux entreprises désireuses de s’y établir une exonération de l’impôt sur les sociétés pendant les dix années suivant la date de leur installation et une exemption de même durée de l’impôt forfaitaire annuel applicable aux entreprises qui ne font pas de bénéfices. En outre est proposée une accélération des délais pour l’obtention des diverses autorisations administratives. En contrepartie de ces mesures dérogatoires, les entreprises sont astreintes à respecter certaines conditions en matière d’embauche (le nombre de salariés bénéficiant d’un contrat de travail à durée indéterminée doit être égal ou supérieur à dix au cours de chaque exercice) et, surtout, elles ne recevront plus d’aides de l’État accordées au titre de la politique d’aménagement du territoire.D’un point de vue général, les premiers résultats enregistrés par les zones d’entreprises apparaissent assez encourageants. Entre 1981 et 1985, environ 20 000 emplois ont été créés en Grande-Bretagne dans le cadre des zones d’entreprises. Aux États-Unis, de 1983 à la fin de 1986, ce seraient plus de 80 000 postes de travail qui auraient pour origine ces périmètres. Au surplus, 3,1 milliards de dollars d’investissements privés y auraient été réalisés.La création de ces aires industrielles franches a, semble-t-il – au moins à court terme –, apporté un début de réponse aux problèmes des régions industrielles durement touchées par les nécessaires restructurations industrielles et par un chômage croissant.En dépit de ces premiers résultats, plusieurs paramètres limitent toute généralisation excessive de ces politiques. À la différence des pays en développement pour lesquels l’institution d’une zone franche industrielle apparaît comme un des moyens les plus aptes à satisfaire les objectifs nationaux d’industrialisation, mais aussi d’acquisition de devises et de création d’emplois, la mise en place d’une politique de zones d’entreprises ne constitue, dans les pays industrialisés, qu’une option s’inscrivant dans le cadre plus large de tout programme d’aide aux entreprises et à l’activité, ou d’aménagement du territoire. En fait, il apparaît que la pérennité de ce concept dépendra largement des résultats qu’obtiendront les zones d’entreprises. Si, à moyen terme, leur impact se trouve être singulièrement plus significatif que celui des politiques plus traditionnelles, on devrait légitimement assister à une multiplication de leur nombre dans les pays qui en font actuellement l’expérimentation, mais aussi à tous ceux qui se contentent pour l’instant d’observer l’expérience de leurs partenaires (R.F.A., Italie...). Autrement, les zones d’entreprises resteront marginalisées à quelques petites régions et, compte tenu de la durée limitée des mesures prises, verraient leur existence remise en question prochainement.3. Les zones franches bancairesLes zones franches bancaires, appelées également places bancaires hors lieu (off shore), se distinguent des autres catégories de zone franche par le fait que le principe de franchise est appliqué à un type d’activité bien particulier, en l’occurrence la banque. C’est la raison pour laquelle on parle de zone franche sectorielle.Une zone franche bancaire correspond à un périmètre – ville, région, ou même, dans certains pays, pays dans sa totalité – où les banques sont autorisées à exercer leur activité plus librement et avec moins de contraintes que dans leurs pays d’origine. Elles doivent cependant respecter deux obligations: ne travailler qu’en eurodevises et uniquement avec des non-résidents.Les premières zones franches bancaires sont apparues au début des années soixante, lorsque, confrontées à des réglementations de plus en plus restrictives de leur activité (réserves obligatoires, réglementation, contrôle des changes et limitation des mouvements de capitaux, etc.), les banques européennes, et surtout américaines, ont décidé de déplacer partiellement leurs opérations internationales en des lieux qui leur soient plus propices parce que moins réglementés.La délocalisation d’activités présente certains attraits pour de grandes banques à vocation internationale. D’un point de vue fiscal, tout d’abord. Dans la plupart des zones franches bancaires, l’impôt sur les bénéfices est pratiquement inexistant, les intérêts bénéficient d’un traitement privilégié, et les taxes sur les différentes commissions n’existent pas. Ensuite, l’activité bancaire est moins entravée que dans les pays d’origine: les divers ratios de gestion auxquels doivent d’ordinaire se conformer les banques ne sont plus obligatoires; de même, les contraintes de réserves obligatoires et d’encadrement du crédit ne sont plus imposées. Enfin, d’un point de vue strictement géographique, une délocalisation peut permettre de se placer avantageusement sur des marchés tiers. Par exemple être présent à Bahrein autorise de facto à utiliser notamment les salles de change ouvertes le samedi et le dimanche (alors qu’elles sont fermées aux États-Unis et en Europe) afin de rentabiliser au maximum les trésoreries en devises.De leur côté, les pays qui accueillent ces activités en tirent également bénéfice, d’autant plus que pour la création d’une telle zone il n’est pas nécessaire de réaliser de lourds investissements en infrastructures, un excellent réseau de télécommunications étant cependant indispensable. Les avantages pour le pays d’accueil prennent la forme de postes de travail créés et de recettes fiscales. Même avec un taux d’imposition très faible, rapportée à la surface financière de certaines économies, la manne peut être importante. Il est fréquent, dans le cas notamment de certaines îles des Caraïbes hébergeant des zones franches bancaires, que les recettes qui en sont issues représentent la deuxième source de revenus après le tourisme.On distingue aujourd’hui deux catégories de zones franches bancaires. Les places fonctionnelles d’une part, qui sont des zones actives, donnant accès à un marché régional et où la présence bancaire étrangère est très importante (immeubles, nombre élevé de salariés...). Les plus représentatives sont Hong Kong, Singapour, Bahrein, Manille, Panamá et Luxembourg. Les places d’enregistrement, d’autre part, sont, comme leur nom le laisse supposer, des zones franches créées spécialement pour faciliter l’enregistrement d’opérations qui, si elles étaient comptabilisées dans le pays d’origine, auraient à supporter une fiscalité élevée et d’importantes restrictions réglementaires. Ce type de périmètre bancaire franc correspond à toutes ces petites îles exotiques fréquemment qualifiées de paradis fiscaux: Anguilla, Curaçao, Bahamas, Caïmans ou encore Nouvelles-Hébrides.L’activité de ces centres n’a cessé de se développer jusqu’au début des années quatre-vingt. À partir de cette période, un certain nombre d’événements sont venus ternir l’image de refuge qu’avaient jusqu’alors ces zones: blocages des avoirs iraniens détenus auprès de toutes les banques américaines, y compris dans les filiales sises dans les places off shore, gel des dépôts de la succursale de la banque américaine City Bank à Manille... Ces évolutions sont de nature à atténuer l’attrait exercé jusqu’ici par ces zones. En outre, la déréglementation progressive de toutes les grandes places financières et bancaires, à laquelle on assiste tant aux États-Unis, au Japon qu’en Australie ou en Angleterre, est un autre élément susceptible de limiter à l’avenir le développement des zones franches bancaires.
Encyclopédie Universelle. 2012.